Collage de femmes et de filles en RDC: l’une cuisine, l’autre porte un t-shirt WAHDI et deux se détournent. Le texte dit: “Voix de la RDC, Femmes et filles en première ligne appelant à la solidarité, #NosLuttesSontLiées”.

Des voix de la ligne de front : La crise humanitaire en RDC

Purposeful
6 min readAug 2, 2024

Rosaline Tsekpuia, Responsable régional pour l’Afrique francophone, Purposeful

Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), une région ravagée par des décennies de conflit et d’instabilité, une montée rapide de la violence a, une fois de plus, plongé les communautés dans la tourmente. Des dizaines de milliers de personnes fuient les affrontements qui s’intensifient entre les Forces armées congolaises (FARDC) et le groupe rebelle connu sous le nom de Mouvement du 23 mars (M23). La ville de Goma se trouve à l’épicentre de cette crise.

Ce mois-ci, dans une conversation franche et directe, quatre jeunes militantes féministes d’organisations de première ligne, travaillant sans relâche dans les camps de réfugiés de la RDC, partagent leurs idées sur la façon dont le conflit en cours a si profondément affecté la vie des femmes et des filles, leurs efforts pour atténuer ces impacts, les défis extrêmes auxquels elles sont confrontées, et leur besoin urgent de soutien.

Plus de six millions de personnes sont toujours déplacées dans l’est de la RDC. Selon Crispine, l’une des quatre militantes, il y a aujourd’hui plus de camps de déplacés que de villages habités, tant au Nord-Kivu qu’au Sud-Kivu.

“Le conflit a brisé nos communautés, laissant les femmes et les filles exposées à l’exploitation et à la violence.” — Gratias, jeune activiste, RDC

Dans ce chaos, les conditions humanitaires se détériorent rapidement. Les camps situés à la périphérie de Goma débordent de personnes déplacées, et pour survivre, il faut souvent recourir à des mesures désespérées telles que la prostitution forcée pour les femmes et les jeunes filles qui subissent de plein fouet le conflit et sont exposées à des risques accrus de déplacement — les violences sexuelles sont endémiques et omniprésentes. Les plus vulnérables parmi les personnes déplacées sont confrontées quotidiennement à des choix déchirants, ne gagnant parfois qu’un dollar par jour pour survivre dans des conditions désastreuses. Zaina partage son point de vue :

“En Ukraine, on voit des tentes de qualité installées pour les personnes déplacées. Mais ici, des familles entières doivent vivre dans seulement deux mètres carrés, parfois sans portes. Le proxénétisme et les violences sexuelles ont atteint des niveaux sans précédent”.

Le conflit a bouleversé tous les aspects de la vie, non seulement dans les camps de déplacés, mais aussi à Goma, où la ville est confrontée à de graves pénuries alimentaires. Crispine prévoit déjà une crise de l’eau imminente qui aggravera une situation déjà précaire.

“Nous sommes confrontés à une situation extrême, avec des besoins de base non satisfaits, comme l’accès à l’eau potable. Avant l’arrivée des déplacés, Goma était déjà confrontée à ce problème d’eau. Aujourd’hui, avec l’augmentation de la population due aux déplacements, la situation va encore s’aggraver”.

Les femmes et les filles déplacées luttent pour s’adapter à leur nouvel environnement. Zaina donne un exemple;

“Une adolescente qui a passé sa vie à étudier se retrouve aujourd’hui dans un camp de déplacés, sans savoir quand cette situation prendra fin. Cette incertitude est à l’origine d’une grave détresse psychologique.

Les organisations et les petits collectifs qui travaillent en première ligne tels que — ACNDC, Initiative Congo Debout, WhADI et Kongo Mwinda — s’efforcent quotidiennement de répondre aux besoins immédiats des filles et des femmes et de continuer à soutenir l’éducation et les opportunités économiques. Cette lutte quotidienne implique non seulement d’atténuer les menaces immédiates, mais aussi de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité. Elles naviguent entre des défis complexes et constants, allant de la gestion des déficits de financement à la levée des barrières culturelles qui perpétuent la violence et entravent les progrès vers la paix.

Le Fonds Mondial de Résilience, par l’intermédiaire de Purposeful, a accordé à ces organisations des subventions essentielles pour les services de santé génésique et l’indépendance économique grâce à la formation à des compétences telles que la pâtisserie et la fabrication de savon. Mariana, de l’ACNDC, explique ;

“Avec le soutien que nous recevons, nous nous concentrons sur la fourniture de soins de santé essentiels et d’un soutien psychosocial aux survivants de la violence. Chaque allocation de fonds est minutieusement planifiée afin de maximiser l’impact. Nos programmes comprennent également la distribution de kits de dignité pour s’assurer que les femmes disposent des produits d’hygiène essentiels.”

Deborah, d’Initiative Congo Debout, insiste sur l’importance de briser le cycle de la dépendance;

“Pour nous, il s’agit d’apporter un soutien global, des soins de santé à l’autonomisation économique, afin de répondre aux besoins multiples des femmes dans les camps. Chaque dollar est soigneusement alloué, qu’il s’agisse de distribuer des kits de dignité aux jeunes filles ou de mettre en place des programmes de formation professionnelle essentiels. Ces investissements font une différence tangible dans la vie des personnes que nous aidons.”

WHADI utilise ces fonds pour mettre en place des ressources vitales telles que des cliniques, des programmes éducatifs et des formations à des activités génératrices de revenus — des infrastructures essentielles pour reconstruire des vies brisées et favoriser la résilience.

Pour Zaina de Kongo Mwinda, l’accent est mis sur les droits des femmes, sur l’éducation à la santé reproductive afin que les femmes puissent prendre des décisions éclairées concernant leur corps, et sur la formation professionnelle afin qu’elles puissent se réapproprier leur vie et, à leur tour, reconstruire leur communauté.

“Mais notre travail est loin d’être terminé. Nous avons besoin de toute urgence d’un financement continu pour étendre notre portée et renforcer notre impact. Cela inclut des ressources pour les soins de santé, l’éducation et la défense des droits et de la dignité des femmes dans les zones de conflit.” ajoute Gratias.

La sécurité reste le plus grand défi des activistes et des groupes en RDC, les femmes et les filles étant constamment exposées à la violence et à l’exploitation. Assurer leur sécurité dans des conditions aussi instables nécessite des ressources et un soutien continus. Les activistes féministes qui ont participé à la discussion ont exprimé le besoin d’une formation sur la protection dans les contextes de crise et sur la conduite d’activités de plaidoyer en faveur des droits pendant les crises.

Il est impératif que les organisations humanitaires prennent en compte l’aspect psychologique dans leurs actions. Le soutien psychologique des féministes de première ligne qui aident les personnes déplacées, ainsi que la prise en charge nutritionnelle et psychologique des survivantes de violences sexuelles, des femmes enceintes et allaitantes vivant dans des conditions précaires dans les camps de déplacés, sont essentiels.

“Dans un seul camp, on peut se retrouver avec 12 000 ménages, pas 12 000 individus, mais on n’a les moyens d’aider que 50 personnes, et seulement une certaine catégorie d’individus. Nous sommes rapidement exposés à la colère de tous ceux qui ne peuvent pas bénéficier de notre aide”. — Deborah, Initiative Congo Debout

Alors que la crise persiste, l’attention et l’action de la communauté internationale sont nécessaires de toute urgence pour atténuer les souffrances et soutenir la résilience des personnes touchées. Qu’il s’agisse de garantir les produits de première nécessité ou de promouvoir des initiatives de consolidation de la paix à long terme, le sort de l’est de la RDC appelle à la solidarité mondiale et à des efforts concertés pour mettre fin au cycle de la violence et du désespoir.

Au milieu de ces défis extrêmes, ces militants de première ligne et ces petits collectifs restent déterminés. Ils dirigent avec un amour révolutionnaire et radical pour les communautés qu’ils sont déterminés à reconstruire, pour les filles et les femmes qu’ils aident chaque jour à réaliser leur pouvoir, et pour les solutions qu’ils préconisent pour faire respecter les droits de l’homme et promouvoir une paix durable.

Nos partenaires subventionnés s’organisent en mode crise pour continuer à fonctionner. Leur ténacité à défendre la justice et la liberté est un témoignage direct de leur pouvoir collectif. Leur cri de ralliement est un appel à nous tous — plus urgent que jamais — pour un soutien international accru et une solidarité totale afin de travailler ensemble et de faire face à cette crise humanitaire qui tient la région sous son emprise.

Le Fonds mondial de résilience est déterminé à continuer d’acheminer des ressources de réponse rapide, à soutenir, accompagner et documenter le pouvoir de l’organisation des jeunes féministes, si essentiel à la réponse humanitaire et aux efforts de consolidation de la paix à long terme en RDC. Cela est possible grâce aux dons et à l’octroi de subventions. Cliquez sur ce lien et partagez-le avec vos réseaux.

À la communauté philanthropique mondiale, nous lançons un appel urgent à tous les bailleurs de fonds pour qu’ils se joignent à nous dans un élan de solidarité féministe.

Notre lutte est une lutte unique, jusqu’au jour où nous serons tous.tes libres.

www.theglobalresiliencefund.org

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